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Il y aura décidément un avant et un après : on n’a pas fini de tirer les enseignements des affaires de violence masculine, et du traitement pour le moins complaisant que leurs réservent les médias grand public.
D’abord, la bonne conscience d’une partie de la presse, bien plus prompte à repérer la paille dans l’œil du concurrent que la poutre dans celui de ses propres journalistes et chroniqueurs.
Ensuite, la collusion des puissants, toujours plus pressés de défendre la présomption d’innocence de l’un des leurs que la présomption de sincérité de leurs accusatrices et accusateurs. À croire que, pour eux, la parole d’un enfant abusé ne vaudra jamais rien, ou si peu. Question de classe ou de licence artistique, que voulez-vous. Après ça, étonnez-vous que la marée masculiniste continue de monter dans nos grues à la vitesse du cheval au galop, et que nos élites parisiennes remettent des prix littéraires à des violeurs d’enfants.
Enfin et surtout, l’affreux sexisme et le consternant machisme d’un microcosme politico-médiatique qui semble vivre encore dans la préhistoire de la modernité, quand la femme n’avait sa place que dans la cuisine ou au lit et inversement. En la réduisant de surcroît, ainsi que l’enfant, à un rôle de « Marie, couche-toi là », disponible à toute heure pour leur bon plaisir, certaines de nos « élites » masculines ont mis au jour ce qu’il faut bien appeler leur arriération mentale.
Il y a quelques jours, la justice a débouté Pierre Salviac qui contestait son éviction de RTL pour un tweet misogyne. Désormais, « un tweet sexiste peut valoir une sanction professionnelle« , écrit Les Nouvelles News, journal pionnier en matière d’égalité femmes-hommes et d’analyse politique et sociétale.
Face aux questions que soulève l’affaire Salviac, nous ne nous en sortirons plus avec l’antiféminisme ou le complotisme, nouvelle idéologie des imbéciles, qui sont les deux faces d’un même mal : une sorte de déni, de refus de la réalité. Nous sommes désormais condamnés à réfléchir sur notre « modèle français ».
Cette sale affaire aura au moins eu le mérite de nous placer face à nos tares et à nos archaïsmes. Puissions-nous, à cette occasion, balayer devant notre porte toutes les rognures d’un passé machiste.
Par souci déontologique mais aussi ontologique (question de fidélité à moi-même et à mes discours), j’ai donc décidé de prendre des mesures fermes pour balayer devant la porte de mon propre journal, Le Point.
D’abord, ce sera le licenciement pour faute grave de notre « grand » reporter Frédéric Lewino. Sa lubrique, pardon, rubrique « C’est arrivé aujourd’hui » était certes racoleuse donc rentable, mais ses reportages racistes nous ont aussi coûté cher en frais de déplacement et de champagne. Toutefois, tout comme le tweet sexiste de Salviac, ce sont les cyber-saillies sexistes et insultantes de Lewino qui ont fait déborder la coupe.
Si Frédéric Lewino s’autorise de telles insultes publiques en toute impunité, que doit-il faire subir à mes employées dans nos bureaux ? Y a-t-il un problème de harcèlement sexuel au sein du Point ?
Cela pourrait-il expliquer, même partiellement, notre incapacité notoire à sortir de nos schémas misogynes ?
Ce sera ensuite un recrutement paritaire de nos chroniqueurs et éditorialistes : actuellement sur 20 chroniqueurs du Point, seules 2 femmes sont présentes (reléguées en bas à droite de la page). Une honte, d’autant que certains chroniqueurs hommes sont des imposteurs de renommée internationale, qui m’ont valu quelques déboires judiciaires (bye bye BHL !), y compris en janvier 2014. Il est grand temps de faire le ménage, et de promouvoir nos « excellentes » consœurs autrement qu’en insistant sur leur apparence physique.
Ce sera enfin le départ et l’effacement de toutes les éructations de Matzneff, ce dinosaure des années 70, encore nuisible aujourd’hui. Lui qui vomit des propos moralisateurs dans ses chroniques sirupeuses s’offusque qu’on lui reproche sa propagande pédocriminelle. La remise du Prix Renaudot 2013 à Gabriel Matzneff est une insulte à l’enfance, survenue sur un malentendu après un verre de trop entre membres du jury (grave erreur que de nous réunir dans un restaurant). Un désastre typique de la collusion que j’ai brièvement dénoncée en mai 2011.
Ne me félicitez pas, il n’y a aucun mérite à respecter les lois et les êtres humains : le harcèlement sexuel au travail est un délit, l’apologie du viol est un délit, l’art n’a pas vocation à donner des alibis aux pédocriminels. Il est donc tout à fait normal et urgent d’y remédier.
La crise financière que traverse la presse écrite (mais pas Le Point, clin d’oeil à François Pinault et autres actionnaires) se double d’une crise morale, nourrie de discours hypocrites, d’apathie ou d’appétit envers la violence, de collusion des puissants et d’invisibilisation des plus vulnérables.
Je conclurai humblement en reconnaissant que je ne suis pas capable de mettre en œuvre de tels changements éthiques. « Je ne suis plus l’homme de la situation », et je passe donc le balai à celui* ou celle qui va me succéder. Bon courage !
Franz-Olivier Giesbert, l’homme qui prétendait en finir avec le machisme
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* Qu’en dites-vous, M Etienne Gernelle, nouveau directeur du Point ?
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Edit (03-03-2014) : à lire à tout prix !! ELLES vont en finir avec le machisme :
FOG n’était pas l’homme de la situation, car il fallait faire appel aux femmes ! Faute d’être appelées, les femmes journalistes élèvent la voix : Manifeste du collectif Prenons la Une.
Une tribune commentée par Isabelle Germain (fondatrice des Nouvelles News et signataire du manifeste) : Pourquoi les femmes journalistes prennent la une.
Merci à vous, femmes journalistes, qui luttez pour mieux nous représenter : nous voulons être moins stéréotypées, moins anonymes et plus nombreuses. Je souhaite de tout cœur aussi que cessent les discriminations ou violences sexistes que vous subissez au travail.
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à (re)lire :
– Le sexe de l’info : hors-série papier des Nouvelles News
– Causette, Le Point, Le Nouvel Observateur : la presse va mal…et ce sont les femmes qui trinquent, par Sophie Gourion,
– Suite aux récidives de Lewino (12 mars 2014) : Sexisme, racisme : Lewino ou la conjonction de la bêtise
– Contre la misogynie ordinaire de Patrick Besson (Le Point) par Leila Ajig
– Quand le prix Renaudot Essai est attribué à Gabriel Matzneff, défenseur de la pédophilie, par Dom Bochel Guégan
– Non, Gabriel Matzneff, la pédophilie n’est pas un «style de vie», par Charlotte Pudlowski
– Culture du viol dans les médias : Quand le Point conseille aux femmes d’ «accepter la brutalité de leur amant»., par Nathalie Blu-Perou (23 juillet 2014)