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Culture du Viol, Témoignage, Viol, Viol conjugal, Violence Conjugale, Violences sexuelles, Violeur, Viols collectifs
Je voulais dire comment moi je me suis « démerdée » par rapport au misogynisme ambiant là ou j’ai habité jusqu’à mes 25 ans.
J’étais dans une ville où il y avait beaucoup de cités, je veux dire par là des quartiers difficiles, et quand on dit quartiers difficiles c’est encore plus dur pour les femmes.
Pas le droit de se mettre en jupe ou en robe (ou alors à tes risques et périls), pas le droit de porter certaines couleurs (le rouge en particulier). Il faut supporter les insultes quotidiennes dans le bus (attenant bien sur au fait que tu es de sexe féminin, sur ton physique, que tu sois jugée « chaude », « bonne », « baisable » etc… ou moche).
La misogynie, en plus de te faire chier avec le genre masculin, s’invite bien souvent dans la bouche des autres filles : « c’est qu’une pute », « elle l’a mérité » etc… juste par exemple parce que tu mets des talons, ou que tu as le malheur d’être jolie, ou pire blonde au yeux bleus.
J’ai vécu l’enfer de la cité au féminin, entre autre les tournantes, j’ai eu un bol extra ordinaire d’avoir réussi à m’échapper à temps.
Alors j’ai cherché un moyen de pouvoir vivre « normalement ». Je ne voulais pas, comme on me le conseillait pourtant, renoncer à vivre NORMALEMENT. Quand j’ai commencé à avoir des relations avec des hommes, je ne me suis pas précipitée, j’ai réfléchi. J’ai fait une liste de ce que je voulais, et de ce que je ne voulais pas. A chaque fois que j’étais sur le point de conclure quelque chose avec un homme, j’énumérai la liste de ce qui ne nécessitait pas de précaution particulière, de ce qui était strictement interdit, et de ce qui était possible de négocier sur demande expresse. Je précisais qu’il n’y avait aucun accord tacite et qu’avant de prendre une initiative, une demande serait la bien venue sous peine de dégageage tout nu dans l’escalier.
J’ai toujours pris l’initiative d’aller vers les hommes qui m’attiraient, et de faire dans le très très clair, pour éviter tout mal entendu. Après, une fois au lit je prenais la direction des opérations pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Par contre, j’ai toujours pris le temps de demander à mes partenaires si il y avait des choses qu’ils ne voulaient pas, des tabous, ou des zones interdites. Et à chaque initiative nouvelle je disais ce que j’avais envie de faire et je demandais la permission. Avec ces différents partenaires, choisis, interrogés et dans l’ensemble guidés (mes critères de sélection n’ont jamais été purement physiques, ni sur les performances sexuelles, j’ai d’ailleurs toujours préféré des hommes ayant peu ou pas d’expérience et qui se posent des questions aux hommes arrivant en terrain conquis). Avec ces choix, les choses se sont toujours bien passées, je dirais même que le fait que je guide et que je prenne les initiatives a été très apprécié. Par contre, ces hommes étaient dans l’attente d’une relation humaine que j’étais incapable de donner parce que j’avais trop peur. Trop peur d’avoir l’air douce, trop peur d’avoir l’air gentille, trop peur d’avoir l’air aimante, trop peur d’avoir l’air de LA PROIE idéale. Du coup, après mon affaire réglée, je profitais que l’homme aille faire une toilette, boire, ou autre, pour prendre la poudre d’escampette.
J’ai beaucoup souffert de cette situation et d’être dans une attitude tellement défensive que j’étais incapable de tisser un lien humain. Certains hommes ont été très blessés par cette attitude et j’en suis vraiment désolée.
Donc dans mon sac, les fringues que je voulais mettre et qui était féminine, et un jogging moche, à capuche avec un pantalon large et des baskets. Je me changeais sur place en soirée (dans les toilettes) et je donnais mon sac soit à garder derrière le bar, soit aux vestiaires, avant de repartir, si je rentrais seule, hop je me changeais avant de rentrer.
Pourtant, je n’ai pas échappé, malgré tant de précautions, aux violences sexuelles.
De la part d’un « boy friend » avec qui je n’avais pas de relation sexuelle, et avec qui je ne voulais pas de relation d’ailleurs (j’avais 17 ans je précise). Il était à l’armée (ce que je ne savais pas, il m’avait menti, sur son métier, et même sur son identité réelle, car n’aimant absolument pas les militaires et tout ce qui ressemble à une autorité de près ou de loin, c’est certain je ne serais pas allée vers lui). Il était très jaloux, et un jour où j’avais une bague sur une chaîne que j’avais mise en pendentif, il a sorti un couteau et l’a posé sur mon cou, puis il a arraché la chaîne avec le couteau en me frappant la tête dans un mur. J’ai eu peur, mais je ne voulais pas le montrer, car je ne voulais pas lui donner plus d’emprise. Un autre soir, nous rentrions de soirée, et avec des amis ils sont passés à la boulangerie, un de ses amis m’a préparé un sandwich à la brioche et au jambon de Bayonne, j’étais super contente, j’avais carrément faim. J’ai commencé à manger et je me suis pris un coup de poing dans la figure » dis donc tu fais du 38, je sors pas avec toi pour retrouver une meuf qui fait du 44, alors tu bouffe pas cette merde « . J’ai voulu partir, le quitter, mais j’ai découvert sa véritable identité. Il avait déjà été condamné pour des violences graves. J’ai eu très peur, pas pour moi, mais pour ma mère. J’ai eu peur que si je lui refusais quelque chose, il fasse du mal à ma mère. Alors oui, il a eu ce qu’il voulait, je pleurais, sans faire de bruit, et j’attendais qu’il ait fini. Il a vu que je pleurais, ce qu’il l’a encore plus énervé, parce que du coup je ne prenais pas mon pied, ce qui remettait en cause ses performances. J’ai vraiment essayé de sourire, d’avoir l’air extatique, mais ça n’a pas marché. Il m’a jetée sans ménagement, en me disant que j’étais une allumeuse et une connasse. J’étais super soulagée. Pourtant, j’ai revu ce mec, je l’ai recroisé, dans la rue, dans des lieux publics, dans des soirées. J’avais envie de le tuer. A chaque fois, il me regardait, avec un sourire en coin, l’air satisfait. Un jour je n’ai plus supporté. Je suis allé le voir, il était attablé avec des potes. Je lui ai dit » tu m’as vu à poil, c’est bien, t’es fier de toi ? Tu crois que tu me connais ? Tu crois que tu sais qui je suis ? Tu crois que tu peux parler de moi ? Non parce que tu ne sais rien de moi. Tu peux dire à tout le monde que j’ai un grain de beauté sur le cul, oui tu peux. Mais tu veux que je te dise ? T’es loin d’être le seul à pouvoir le dire. C’est pas une victoire de m’avoir baisée, ce qui aurait vraiment été une victoire c’est que tu ais pu dire quelle était ma couleur préférée. En plus au lit tu vaux pas un clou, t’es qu’une merde. Tu sais quoi je suis même pas allée voir les flics, parce que tu ne me fais pas peur, j’ai pas besoin d’eux pour régler l’affaire d’un type comme toi. Regarde moi bien, de haut en bas, insiste bien : tu vois je suis pas sale, je suis toujours aussi canon, et la seule chose que t’es potes retiendront c’est que t’as pas réussi à me garder parce que t’es qu’une bouse, que tu sais absolument pas ce dont je suis capable au pieu, et que j’aurais pu t’emmener au paradis. Reste donc dans ton pitoyable enfer, parce que ta fierté de m’avoir niqué, elle fait pitié et rien d’autre. »
Je me suis sentie beaucoup mieux, je m’étais apprêtée à recevoir des coups, et à être sortie du bar. Mais non. Il est juste parti en m’insultant.
Après cette histoire je pensais être vaccinée. Mais en fait non. J’ai eu une histoire longue et difficile, avec un mec que je croyais aimer. En fait après toutes ces difficultés, j’avais une image de moi dégueulasse, malgré les apparences. Toujours donner le change, c’est ce que j’avais appris. Ne jamais donner de prise à l’adversaire. ADVERSAIRE, c’était donc ça les relations avec les hommes ?
J’avais besoin d’une relation douce, d’être respectée et aimée. Et j’y ai cru, quand mon petit ami de l’époque, que J’AI abordé moi même est venu à moi. Il était doux, gentil, agréable, cultivé. Oui il était tout ça. Quelques années plus tard, il était violent, ingérable, cocaïnomane, et sexuellement déviant. Il était pourtant le père de mon bébé. J’ai eu le droit à toute la négation possible : je n’étais même pas un être humain, je n’aurais même pas du survivre selon SA théorie du Darwinisme. Morsures, bleus, viols, puis coups. Voilà les étapes. Quand je suis arrivée à l’hôpital j’étais en total sidération, incapable de parler pendant plusieurs jours, je ne pleurais pas non plus, je me contentais de vomir tous mes repas. A l’hôpital, rien, un lexomil pour que je dorme, et rien. Pas de constat, pas de questions sur les raisons de mon arrivée (pourtant ma mère l’avait emmenée et expliqué pourquoi j’étais là). Aucune prise en charge, c’était NORMAL.
C’était pourtant mon conjoint, le père de mon bébé, et l’homme que je croyais aimer qui était l’auteur de ces violences. Quand j’ai réalisé que j’étais « une femme battue, victime de violence conjugale » j’ai déposé une main courante. Il avait déjà un casier avec du sursis, et cette menace a suffit à le tenir à distance physique. Mais c’était sans compter les appels, les menaces etc…
Je suis partie, loin à 800km. J’ai mis environ 9 ans à me reconstruire. 9 ans de thérapie pour trouble du comportement, 9 ans de phobie des hommes, 9 ans de relations sexuelles avec un nouvel homme parfaitement respectueux, à voir son visage se déformer et prendre l’apparence de mon ex, 9 ans d’images de viol qui me hantaient pendant mes câlins…
Aujourd’hui je suis enfin capable d’aimer, d’être aimée et respectée, mais pas toujours capable d’identifier que quelque chose ne va pas, ni d’où ça vient. Heureusement j’ai un conjoint avec » des antennes « , qui le ressent, et qui sait lui, ce qui ne va pas. Il m’a permis de mettre des mots dessus, et de reconnaître, que oui, j’avais été victime non pas d’un viol mais de plusieurs, et ça pendant plusieurs années.
Restait une question à élucider : pourquoi avait-il fait ça ? En était-il au moins conscient ?
Je me suis remémoré plusieurs de ses phrases, car à l’époque déjà, je l’avais questionné, mais j’avais » oublié » ses réponses.
Oui il était conscient de sa violence, oui il savait qu’il me faisait mal physiquement et psychologiquement. La raison ? « tu es trop intelligente, tu es trop belle, j’ai envie de te faire mal, de te faire bien mal, car tu es insupportable »
Je me suis souvenue de cette phrase, elle aussi m’a hantée quand elle est revenue à ma mémoire. Mais je suis sure qu’il est devenu un brave type, puisqu’aujourd’hui il est infirmier…
Aujourd’hui, ce dossier est classé pour moi, je vis sereinement mon quotidien, je ne pense plus que je suis une nulle, une ratée, une merde. J’ai repris des études, que j’ai brillamment réussies, j’ai même un poste à responsabilités, même si je suis sous payée. Je vis encore la misogynie dans mon quotidien, comme toutes les autres femmes. Mais quand je suis chez moi, je ferme la porte sur ce monde là, et j’ouvre celle de mon univers, et chez moi ce n’est pas comme ça. La seule ombre au tableau, c’est que quand je sors dans la rue, et que je croise un homme de dos qui ressemble un peu à mon ex, je tombe dans les pommes ou je vomis. Mais heureusement, ce n’est pas souvent…
J’espère que d’autre réussiront à mettre des mots sur leur vécu. Les forums et blogs féministes m’ont vraiment permis d’avancer, et m’ont permis un lieu d’écoute, d’expression et de partage.
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